Comment es-tu arrivé au MMA ?
Tom Duquesnoy – À l’origine c’est mon père qui m’a mis au sambo pour apprendre les valeurs du sport et me canaliser, me dépenser. À l’époque on regardait plutôt le Pride que l’UFC. On s’est passionné pour Fedor, qui lui aussi faisait du sambo. J’en ai fait deux ans puis je suis arrivé dans un club de ma région dans le Pas-de-Calais. J’avais 14-15 ans à l’époque et je me suis dit qu’à 18 ans je voulais combattre en MMA (âge légal pour rentrer dans la cage). De 14 à 18 ans, je me suis dit que j’allais pratiquer toutes les composantes du MMA : lutte, boxe anglaise, boxe thaï… De fil en aiguille, je me suis vraiment passionné. À 17 ans je voulais vraiment faire ça après mon bac. On a fait un deal avec mon père : si j’avais le bac alors je pouvais faire un an d’étude en MMA à Paris. J’ai eu mon Bac L et j’ai déménagé à Paris pour essayer. À l’heure actuelle, j’ai 23 ans et ça fait quasiment 4 ans que je suis passé professionnel.
Le dernier combat de Fedor s’est plutôt mal déroulé pour lui, tu le situes où aujourd’hui ?
Tom Duquesnoy – Fedor a marqué l’histoire par son style, par son efficacité et par son humilité ; maintenant il appartient à une génération qui n’a plus sa place dans le top mondial. Il était dans le top 5 avant, il est plus dans le top 10 aujourd’hui. Ça reste un modèle pour moi.
Fedor avait commencé à être moins technique à partir du moment où il enchaînait quelques knock-outs. Tu restes sur deux gros KOs, est-ce que ça peut être un risque ?
Tom Duquesnoy – Dans nos petites catégories, on doit vraiment utiliser le transfert de masses, donc chevilles et hanches pour distribuer toute la puissance. Les poids lourds peuvent envoyer le bras, ça fonctionnera. Donc non, je ne pense pas que ça s’applique à moi. On est sur les rotations et les transferts de masses avec Mike Winkeljohn. Avant j’étais plus un styliste-puncher, ça touchait, mais ça ne tombait pas. Suite à ça, j’ai fait un virage à 180° dans mes méthodes d’entraînement pour développer ce KO Power.
Hormis Fedor, quelle est la personne qui t’a le plus inspiré dans le MMA ?
J’adore la créativité et l’invincibilité de Jon Jones, sa lecture du jeu est extraordinaire. Son grand maître est Greg Jackson, mon entraîneur, qui est ma grande influence niveau coaching. Un mec qui, en fonction de tes forces et de tes failles, va trouver un plan de jeu pour que tu remportes le combat. C’est quelqu’un qui a intellectualisé le MMA. Je suis également frappé par l’humilité, l’efficacité et la discrétion de Holly Holm. Quelqu’un d’hyper accessible alors qu’elle est top 3.
Tom Duquesnoy – La rencontre avec la Team Jackson s’est d’ailleurs très bien passée. La logique du « business is business » fait que tu peux être français, petit, grand, gros, laid, si t’as du potentiel et marketable, tu réussiras. Ce qui est bien à Albuquerque c’est que je me sens comme chez moi. Greg Jackson qui ne s’était jamais déplacé pour autre chose que l’UFC, le fait pour moi. Se déplacer sur le vieux continent, faire quasiment deux jours de voyage pour me voir à Birmingham, c’est top. Il faut savoir qu’il ne prend pas d’oseille, il en prendra quand je serai à l’UFC.
À propos de sa rencontre avec Greg Jackson, Anthony Pettis disait que Jackson lui soulignait la même que chose que de nombreux coachs, mais différemment. Qu’est-ce qui t’a le plus impressionné chez lui ?
Ce qui m’impressionne, c’est sa capacité et sa rapidité à analyser un combattant et à y trouver des failles. Il y a également son intelligence à utiliser tes forces pour exploiter ces failles. Quand tu visionnes un combat avec lui, tu vois qu’il comprend les choses dix fois plus vite qu’un entraîneur lambda : sa rapidité à synthétiser une situation concrète pour trouver une solution.
Par rapport à ça, on a pu voir que tu développais ton striking sur les derniers combats. Un choix par rapport aux adversaires ?
J’aime bien rester debout, j’aime bien mettre KO. Je trouve que c’est quelque chose qui vend. Il faut répondre à la demande des gens. Je me suis développé en tant que striker mais j’ai mon background en lutte.
Quelle est donc ta journée type hors combat ?
Maintenir un poids de forme en allant au jacuzzi, au hammam, au sauna durant l’aprèm. Transpirer un peu sans s’éclater ni travailler à fond la technique. Je développe tous les matins mes qualités physiques à l’INSEP avec un coach qui a un cursus de sprinter et d’haltérophile. Il adapte tout ça pour répondre à ma problématique : gagner en explosivité et en force. L’après-midi, je gère donc le poids et les obligations médiatiques. En période hors combat, j’en profite pour voir ma famille, mes amis et toutes les personnes que je ne peux pas voir quand je suis sur les routes. J’ai quand même eu trois combats en moins d’un an.
Tom Duquesnoy – En combat, je suis à Albuquerque (Team Jackson’s MMA). Je m’entraîne pendant 3h30 le matin de 10h à 13h30 : toutes les formes de combat, le plan de jeu, le sparring, la technique et la spécialisation selon le combattant. L’après-midi c’est un travail autour de mon poids, beaucoup de méditation et de yoga. J’ai une approche très spirituelle de la chose. Je me dis que je peux travailler mon esprit autant que je travaille mon corps. C’est une approche complémentaire. Je fais également beaucoup de relaxation le matin.
Effectivement, la dimension mentale est très importante dans le MMA.
Oui, surtout avec l’apparition de la notion de show. Certains le voient comme un sport-business, moi plus comme un show. Toute cette partie médiatique peut te mettre la pression. Le fait de monter dans une cage avec des milliers de spectateurs qui te regardent, des millions sur le net plus les flashs dans la gueule et le speaker… il y a du stress. Ce n’est pas naturel de faire ça donc il y a un travail à faire.
En période de préparation, la semaine d’avant-combat, tu « cut » beaucoup ?
Je pense que ça fatigue beaucoup les « weight-cut ». Si tu te déshydrates 2-3 jours avant et tu perds 8 kilos, ce qui peut représenter entre 10 et 15% de ton poids, le jour-J, t’es éclaté. Maintenant il y a des dispositions médicales, mais au niveau physiologique c’est une catastrophe. Moi je cut, 1 ou 2 kilos maximum. Je me concentre plus à maintenir un poids à l’année. C’est mieux que de laisser venir et de faire le cutting la semaine d’avant. Ce serait bien que les lois anti-cutting soient généralisées.
Aujourd’hui au BAMMA, l’entrée à l’UFC ne serait qu’une étape pour toi ou déjà un accomplissement ?
J’ai 23 ans, ça fait 11 ans que je fais du MMA. J’ai toujours eu un respect pour les différentes étapes en combat. J’ai développé une logique du pas-à-pas, surtout l’UFC qui est une grosse plateforme. L’UFC est une machine qui va te presser, à toi d’être au mieux pour tirer le meilleur du point de vue pécuniaire et sportif. Depuis mes 19 ans et demi, Sean Shelby (le matchmaker pour les petites catégories de poids) veut me signer à l’UFC. Mon propos ce n’est pas d’aller à l’UFC, c’est surtout d’y aller à mon meilleur niveau, l’objectif c’est la ceinture. À l’heure actuelle, je suis 17e mondial, N°1 mondial chez les moins de 23 ans et N°1 mondial chez les moins de 24 ans. L’objectif c’est d’être numéro 1 mondial tout court. Je me dis qu’il y a un an j’étais 2 fois moins fort, il y a deux ans 4 fois moins fort. Dans 1 an, je serai 2 fois plus fort… Si tu entres à l’UFC et que tu ne gagnes par décision au premier, que tu perds le deuxième, c’est bien, mais c’est mieux d’arriver et de mettre 3 KOs.
Justement à l’UFC, il y a des très grands en place, ça ne te fait pas peur ça ?
Diego Sanchez, BJ Penn, quand je me suis mis à combattre avec eux, la différence de niveau avec moi m’a rassuré dans un premier temps. J’ai vu que j’avais ma place si je travaillais à fond.
Avec les Cruz, Dillashaw, Faber, les grosses guerres qui vont arriver te font peur ?
C’est le but, tu veux être le champion alors il faut battre les meilleurs. 3-4 mois avant tu sais que ça va arriver donc tu te prépares psychologiquement, mentalement et physiquement. Quand tu rentres dans la cage, tout le monde a peur. Celui qui n’a pas peur est inconscient, et si t’es inconscient, tu n’arrives pas à ce niveau. Une peur que tu gères, que tu transformes en appréhension comme un feu que tu contrôles pour ne pas te brûler. Celui qui gagne est celui qui maîtrise ce feu. C’est de ces guerres que je vais me révéler en tant que combattant.
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Le cas Dominick Cruz, la référence en Bantamweight aujourd’hui ça t’inspire quoi ?
Le fait de se blesser lourdement puis de revenir au top, je trouve ça brillant. Il se pète le genou, il revient, il se le re-pète et il revient, c’est impressionnant. C’est quelqu’un qui a su revenir. Comme Cissé quand il s’est fait deux fois les croisés. Un vrai exemple d’abnégation et de dévouement. Dans une moindre mesure j’ai déjà connu ça en me cassant la main en septembre. Je suis rapidement revenu pour combattre en février.
Que penses-tu de l’interdiction du MMA en France ?
La fédération de Judo met en place des lobbys depuis des années pour contrer l’avancée du MMA. C’est une vision business dans le sens où ils savent que le MMA leur fera perdre énormément de licenciés. Si on compare l’UFC avec la fédération de judo à l’échelle mondiale, c’est un peu le grand cygne doré contre le canard noir. L’UFC soutient d’ailleurs la fédération de judo américaine pour qu’elle subsiste. C’est bloquer pour avoir le monopole. En France, c’est la première fédération de sport de combat, la quatrième fédé sportive tout court. Ils donnent une mauvaise image du MMA via les médias. L’argument principal a toujours été : « on ne frappe pas un homme à terre ». Pourtant il est toujours conscient et certains combattants sont plus dangereux au sol que debout. Pendant l’émission « Frères de combat », on avait montré au Président de la fédé que les mecs du Jiu-Jitsu brésilien préféraient commencer sur le dos. Il était bloqué. Le deuxième argument est que nous sommes des sauvageons, les gladiateurs des temps modernes. Outre l’aspect « gladiatoresque » de la cage, c’est avant tout pour préserver l’intégrité physique des combattants. Sur un ring, on peut passer entre les cordes, là c’est dangereux. Je préfère d’ailleurs les règles de l’UFC au Pride à ce niveau-là. Elles protègent plus l’intégrité des combattants, par exemple les coups de genoux dans la tête sont interdits. Au niveau des chiffres, comme j’évolue à l’INSEP, je vois bien que ce sont les judokas qui sont plus blessés que moi. Le MMA regroupe tous les sports : cela évite donc l’usure liée aux répétitions d’un sport type.
Tu vois une évolution dans le bon sens ?
Tous les judokas que je connais adorent le MMA et suivent le MMA. Eux-mêmes me disent que c’est très surprenant comme interdiction. À ce niveau-là, on est dans le business. Il est bien loin l’esprit Coubertin.
Tu la ressens cette interdiction dans ta vie de combattant professionnel ?
Oui, surtout au niveau pécuniaire et notamment des sponsors par exemple. Un chef d’entreprise n’investira pas dans un sport qui n’est pas légal. On n’est pas aidé par ça, c’est certain.
Tom Duquesnoy – J’adorerais un BAMMA ou un UFC à Bercy, c’est sûr. Je suis français avant tout. Maintenant si j’attends la légalisation, ma carrière sera peut-être terminée.
Est-ce que tu ressens la pression d’un pays ?
Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours cette pression : premier combat, première ceinture, deuxième ceinture. En continuant, ça va être encore pire. C’est quelque chose que je dois gérer : un peu de sophrologie, d’hypnose, méditation. Ça me permet de me calmer.
Tu parlais de méthode pour te calmer, Firas Zahabi (coach de GSP et MacDonald) dit que c’est très important pour les combattants d’avoir des hobbys.
En France, j’adore « chiller », j’adore l’opéra. D’ailleurs, j’y vais ce soir. La vie parisienne avec les expos et la partie culturelle me plaît énormément. Sinon ce sont les voyages, les vacances. En ce moment j’apprends l’athlétisme et l’haltérophilie. Quand j’avais 18 ans, je voulais trouver un moyen de lier l’utile à l’agréable. Le MMA me semblait être un bon compromis. Si tu as du succès alors tu as l’argent et l’opportunité de voyager, de parler plusieurs langues, de découvrir de nouvelles cultures, « d’élever ton âme ».
Le movement training est très en vogue et notamment pratiqué par Carlos Condit et Conor McGregor, est-ce que tu vas t’y mettre ?
Les Diaz, les Gracié en faisaient déjà avant et maintenant c’est vrai que c’est mis en lumière. En MMA, tu dois vraiment être ouvert. Tu fais la même chose dans ta préparation physique. Pourquoi ne faire que de l’haltérophilie ? Du coup, tu commences à mixer, à faire de la mobilité et du strength & conditioning.
Est-ce que tu es fan de la pratique MMA et plus généralement de l’UFC ?
Évidemment pour moi, le MMA c’est mon petit bébé. Concernant l’UFC, je m’intéresse surtout à ma catégorie. Quand je suis en préparation, je regarde des combats toute la journée, surtout avant de dormir. C’est un sport à plein temps, tu dois t’inspirer de tout ce qu’il y a pour progresser.
Aujourd’hui tu ne pratiques pas le trashtalk, tu es très respectueux des autres combattants. Tu penses que tu pourrais changer pour le côté business ?
Je vais rester naturel sinon on verra que ce n’est pas moi. Je pense qu’avec ma personnalité, je pourrais déjà vendre : mon style de combat, mon côté français et tout ce que j’apporte dans la cage. Je pense que tout ça peut supplanter le meilleur trashtalkeur.
Ton meilleur souvenir ?
La dernière ceinture qui fut la plus riche en émotion avec mon père, Greg Jackson et mon coach de Paris. Le meilleur moment de ma première partie de carrière.
Le plus beau combat que tu aies vu ?
Merci Tom
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